
Depuis quelques temps, et pour mon plus grand bonheur, les jeux narratifs s'imposent dans le marché vidéo-ludique. Le dernier gros succès dans ce genre est l'incontournable Detroit: Become Human de David Cage mais on peut aussi trouver de bonnes narrations du côté des jeux à plus petits budgets. Parmi les chefs-d'oeuvre à faible budget, on peut citer des jeux comme The Stanley Parable et The Beginner's Guide qui, tout comme Detroit: Become Human, ont montré que la narration pouvait se faire de plein de façons. Ces jeux ont cependant un point en commun que Last Day of June n'a pas: ils font usage d'un narrateur. Last Day of June approche plutôt la narration d'une manière similaire à celle de That Dragon, Cancer. Le joueur est invité, ou plutôt obligé, à prendre le contrôle de plusieurs personnages pour comprendre l'histoire. Last Day of June vous plonge dans la vie de Carl, un veuf qui un soir se voit donner l'opportunité de changer le cours des événements tragiques ayant causé la mort de June, sa femme, en changeant la journée des divers habitants de son village.
La cinématographie au cœur du jeu
Last Day of June mise beaucoup sur sa qualité cinématographique pour raconter les événements qui ont lieu. Le jeu est d'ailleurs tellement confiant en cet aspect qu'aucun dialogue n'existe, les personnages ne s'exprimant que par des cris de joies, des rires, des grognements... C'est un sacré pari de raconter une histoire de la sorte, il suffirait que la gestuelle des personnages ne communique pas assez bien leurs émotions et interactions pour que ce jeu tourne au calvaire. Fort heureusement pour Ovosonico, le pari est clairement réussi et rend la narration bien plus forte que si ils avaient opté pour des dialogues classiques. Je ne me suis jamais retrouvé perdu face à une situation incompréhensible, les interactions s’enchaînant assez facilement, certains diraient même trop facilement. Ce n'est cependant pas mon avis. En effet, le jeu n'a pas l'intention d'être difficile, bien qu'il utilise des mécaniques de puzzle de temps en temps, mais de raconter une histoire complexe, ce qu'il réussit haut la main.
Une patte graphique au service de la narration
Le premier aspect de Last Day of June qui saute aux yeux est son style visuel unique. Les personnages et le monde qui les entoure ont un aspect pâte à modeler qui colle parfaitement avec la narration employée par le jeu. Il permet de réduire les personnages à leurs attributs essentiels, allant même jusqu'à ne pas leur donner d’yeux, là où des graphismes réalistes auraient ajouté des détails inutiles qui se seraient placés en travers de l'histoire. Les personnages sont d'ailleurs des caricatures d'eux-mêmes, ce qui aide encore plus à cerner leurs motivations. Le chasseur est le meilleur exemple de cette caricature, ses mouvements et sa manière d'être montrant sa fierté mais aussi son entêtement. Les autres personnages du jeu sont tout aussi lisibles que le chasseur, autant les présenter maintenant puisque je ne l'ai toujours pas fait ! En dehors du chasseur, il y a l'enfant qui est joueur et n'arrête pas de faire des bêtises, le vieil homme qui est plein d'amour pour son village et ses voisins, la meilleure amie qui est secrètement amoureuse de Carl, et bien-sûr Carl et June qui représentent le couple parfait.
Une colorimétrie au service des émotions
La colorimétrie employée par le jeu est un élément essentiel à celui-ci, servant à représenter les émotions de Carl après et avant la mort de sa femme, ces deux périodes étant jouables. Après la mort de June, le joueur contrôle Carl se déplaçant dans un village sans vie et ayant pour seules sources de lumière les souvenirs des moments passés avec sa femme, le reste du village ayant un ton bleu glacial reflétant l'état sentimental dans lequel Carl se trouve. Un soir Carl est réveillé par une lumière provenant de son garage dans lequel se trouvent des portraits peints par sa femme représentant chaque habitant du village. Cette lumière provient en fait des portraits avec lesquels il se découvre capable de remonter le temps afin de sauver sa femme. On revit donc cette même journée tragique jusqu'à ce que la bonne combinaison d'actions des différents personnages (que l'on contrôle cette fois-ci au lieu de Carl) évite la mort de sa femme. Cette journée est représentée par des couleurs vives et apaisantes exprimant à nouveau l'état émotionnel dans lequel se trouvait Carl jusqu'à la mort de sa femme. Ça peut ne pas paraître très important mais c'est ce genre de détails qui font toute la différence dans un tel jeu !
Un gameplay au second plan
J'ai beaucoup parlé du côté cinématographique du jeu mais peu de son gameplay. C'est parce qu'il n'y a pas grand chose à dire sur celui-ci. En contrôlant les personnages, vous avez le choix entre plusieurs actions pour faire avancer l'histoire. En général, un personnage n'a pas beaucoup de choix jusqu'à ce qu'un autre personnage fasse quelque chose, par exemple ouvrir une porte, lui permettant de se rendre à un endroit impossible à accéder auparavant. Certaines actions permettent de terminer la journée, ce qui nous pousse à voir le résultat de toutes nos actions combinées sous forme de cinématique et donc à voir si nos actions ont permis de sauver June. Le problème est que cette cinématique est longue, non passable et est affichée à chaque fin de journée, peu importe si le joueur l'a déjà vu auparavant ou non. Le même problème existe pour les débuts de journée incluant eux aussi une cinématique non passable. Dernier défaut du jeu qui n'en sera peut-être pas un pour tout le monde, il fait usage de murs invisibles à beaucoup de reprises. Il est par exemple impossible de descendre d'un rebord si il est trop haut, forçant le joueur à emprunter le chemin attendu par les développeurs malgré la perte de temps qu'il représente. Si vous avez déjà joué à The Witness, vous savez probablement déjà à quel point c'est agaçant.

Malgré ses petits problèmes de gameplay, la répétition de scènes déjà regardées étant le plus ennuyant, Last Day of June est une expérience cinématographique et narrative que je ne suis pas prêt d'oublier. Le jeu possède une patte graphique unique et une gestion impeccable de la colorimétrie et de la gestuelle qui aident à communiquer l'état émotionnel dans lequel les personnages se trouvent à chaque instant. Là où Last Day of June brille vraiment est dans sa conclusion qui m'a captivé comme peu de jeux m'ont captivé auparavant. Last Day of June est l'exemple parfait de ce qu'il peut se passer quand on mêle l'art du cinéma avec l'art du jeu vidéo. Une belle histoire nous faisant réfléchir à cette simple question: jusqu'où serait-on prêt à aller pour sauver notre bien-aimé(e) ?
Durée de vie: 3 à 4 heures
Points positifs | Points négatifs |
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Un bon sens de la cinématographie... | ...qui peut frustrer quand une scène apparait à plusieurs reprises |
Une gestion parfaite de la colorimétrie | Des murs invisibles dispersés un peu partout |
Des graphismes uniques à l'aspect pâte à modeler | |
Des personnages aux motivations facilement discernables | |
Des choix parfaits de narration |
